Les Templiers à Reuilly

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Sur la commune de Reuilly se dresse la commanderie de l’Ormeteau. En ce lieu fut créée une maison templière au XIIème siècle. Après la dissolution de l’Ordre du Temple en 1312, les Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem s’y installèrent. Cette commanderie possédait de nombreux domaines et divers biens en Berry, y compris  » une maison du Temple  » à Châteauroux.

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Le document est de 1743, référence : Archives départ. de l’Indre – H 685

L'an 1119, naissance de l'Ordre du Temple

En ce temps là… une vingtaine d’années après la prise de Jérusalem par les croisés de Godefroy de Bouillon (15 juillet 1099), neuf chevaliers présents dans la ville décidèrent de se consacrer à la défense des pèlerins se rendant aux Lieux-Saints de Palestine. Ils reçurent du roi de Jérusalem, Baudouin II, une construction sur l’emplacement du temple de Salomon, et pour cette raison, ceux qui se nommaient les « Pauvres Chevaliers du Christ » devinrent les « Templiers ». (…)

Installation des Templiers à l'Ormeteau

Le premier document qui atteste de la présence des Templiers au lieu-dit l’Ormeteau sur la paroisse de Reuilly remonte à 1136, quand ils reçoivent un privilège de l’évêque de Bourges. A cette époque, les commanderies commencent à essaimer dans tous les pays occidentaux (France, péninsule ibérique, Angleterre…).

Les bâtiments subsistant de nos jours comportent un quadrilatère flanqué de quatre tours d’angles de diamètres différents, avec des couvertures en poivrière. Au midi, une tour carrée abrite l’escalier. Un peu plus loin se dresse le pigeonnier reconstruit au XIXème siècle. L’emplacement des fondations de la chapelle est visible, ainsi que différents vestiges. Quand fut prononcée la suppression de l’Ordre du Temple, les Hospitaliers de Saint Jean de Jérusalem reçurent les bâtiments de l’Ormeteau et ses dépendances.

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Après les destructions de la guerre de Cent ans, le commandeur Jean de Marcenac obtint en 1457 du roi Charles VII l’autorisation de relever les fortifications. La commanderie possédait un four à chaux, près de la Motte à Preuilly, et deux tuileries. C’est ainsi qu’on édifia la maison forte à quatre tourelles qui est parvenue jusqu’à nos jours.Pourquoi le nom de l’Ormeteau ? Sur certaines chartes, on trouve écrit « Ulmo-Tiaut » puis « Orme-Tiaut ». On peut en conclure que l’orme (latin Ulmus) est à l’origine du nom. Est-ce une coïncidence si l’orme était un des symboles du Temple ? L’Ormeteau aurait peut-être signifié « l’Orme à Thibault ».

Aujourd’hui neuf mars mil septembre cent quatre vingt neuf, Nous frère Armand Jean Louis de l’Acqueuille, Chevalier de Justice de l’Ordre militaire de St-Jean de Jérusalem, Commandeur de la commanderie de Torte Besse, et Nous Étienne Argy Chanoine Grand Chantre du chapitre de St Laurian de Vatan, en vertu de commission à nous adressée par frère Claude Marie de Ste Colombe de l’Aubépin, Bailly grand croix dudit Ordre, Commandeur de St Paul et Grand Prieur de la Langue d’Auvergne, nous sommes arrivés à l’Ormeteau, chef-lieu de la commanderie de ce nom en Berry où nous avons trouvé frère Louis Alexandre de Savary de Lancosme, Commandeur de la dite commanderie de l’Ormeteau, de Dôle, et Grand-Bailli d’Auvergne.

Ainsi commence un acte (Arch. Dép. de l’Indre, Réf. H 671) intitulé « Visite Prieurale de la Commanderie de l’Ormeteau », comprenant 35 pages grand format, décrivant les biens appartenant à cette commanderie juste avant la période révolutionnaire. Ce document est le dernier d’une longue série d’actes par lesquels les supérieurs de l’Ordre de St-Jean de Jérusalem se tenaient informés de l’état des possessions ainsi que des revenus qui en résultaient. Les cessions de biens étant apparemment peu nombreuses, c’est certainement cet acte de 1789 qui donne la vue la plus complète sur l’étendue de leur patrimoine.

Lorsque frère Armand de l’Acqueuille pénétra dans l’enceinte de la commanderie, ce 9 mars 1789, il était loin de penser qu’une révolution allait bouleverser la France quelques mois plus tard, que la commanderie serait supprimée et que l’Ordre de St-Jean de Jérusalem lui-même serait aboli (pour sa partie française). Comment aurait-il pu imaginer que les biens dont il venait de faire l’inventaire seraient dispersés et vendus à des particuliers quelques années plus tard et que le Commandeur, ce haut seigneur Louis de Savary de Lancosme qui l’accueillait présentement, serait mis en péril en raison de sa noblesse ? Rien ne semblait devoir troubler ces lieux où les chevaliers étaient installés depuis six siècles et demi, d’abord les Templiers jusque vers 1312 puis les Hospitaliers qui en avaient recueilli les biens.

Quoique frère Armand ne pressentît aucun bouleversement concernant son Ordre, il savait fort bien par contre que des élections étaient en cours. Dans le moindre village de France, on votait pour élire les délégués au Bailliage. Ceux-ci allaient désigner les députés aux états-Généraux convoqués par le Roi pour début mai, afin de sauver les finances de l’Etat d’une banqueroute annoncée. En ce début mars, on votait et en même temps, on finissait d’établir les cahiers de doléances qui exprimaient les mécontentements de toutes natures.

A propos des "amélieurissements"

Des travaux eurent donc lieu au cours du XVIIIème siècle pour remettre en état le château et une bonne partie des possessions de la commanderie.. Un acte de 1775 (Arch. Dép. de l’Indre Réf. H 686) décrit certaines de ces transformations, entreprises « à la diligence de monsieur le chevalier de Savary de Lancosme, commandeur d’icelle ». Sous le titre évocateur et charmant « d’amélieurissements », cet acte nous introduit dans l’église dont :

On a pavé les fonds baptismaux et le chœur de l’église en pavé de pierre de grais (sic) de dix pouces en quarré, posé d’autres pavés semblables dans la nef et relevé tous ceux de ladite nef qui étaient enfoncés, le tout posé à chaux et sable, on a émaillé, on a recrépi à chaux et sable les murs de ladite église. A l’extérieur du côté des fossés, on a refait à neuf les châssis dormants et (chaussé) à verre cinq croisées dont trois au Chœur, et deux aux murs collatéraux de la nef, lesdites croisées vitrées en grands carreaux et ferrées avec fiches et targettes, on a mis deux soutiens de fer aux balustres du Chœur, et deux autres aux balustres des fonds. On a construit à neuf un mur autour du Chœur sur les fossés en chaux et sable.

L’acte de 1789 le confirme : l’état de la chapelle était satisfaisant quand débuta la Révolution. Il est d’autant plus regrettable que celle-ci ait été détruite quelques années après.

Carte des étangs

Sur la carte établie par Paul Hunot, on peut voir les quatre étangs proches de la Commanderie.
On peut y voir l’étang de la Tréchauderie ou de l’Ormeteau, l’étang de Pouzelas (nom d’un domaine proche situé sur la commune de Giroux), l’étang Guillot et l’étang du Beugnoux.
Il sera difficile de dater avec précision de la construction des étangs et notamment de dire si ce furent les Templiers ou les Hospitaliers qui les établirent. La série H des Archives Départementales les mentionne rarement, du moins si l’on s’en tient à l’inventaire.

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Les comptes de l’Ormeteau de 1451 indiquent que les domaines appartenant aux Hospitaliers étaient donnés à ferme. Ce système était apparu en France au XIIème siècle. Il permettait à un propriétaire de donner par contrat (bail) à une personne la gestion d’un domaine ou d’un bien quelconque, en échange de redevances en argent ou en nature.

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Il est probable que les étangs étaient exploités de cette façon, soit séparément, soit comme partie intégrante des domaines où ils se situaient, hypothèse la plus probable (« une sentence condamne François Bonnet, fermier de la commanderie de l’Ormeteau, à faire accommoder la chaussée du grand étang de ladite commanderie et à l’empoissonner de six milliers de poissons » Arch. Dép. de l’Indre H 664 – acte XVIIème).

(…) Ce terroir, finalement, a faiblement évolué depuis l’époque des moines chevaliers. Si la grandeur des parcelles est très différente, les surfaces cultivées sont comparables. Les étangs ont disparu, semble-t-il au début du XVIIIème siècle. Cela est peut-être à relier au manque d’entretien des bâtiments à cette époque.

Extraits de « La Commanderie de l’Ormeteau », par Jean-François Reille, bulletins des Amis de Reuilly N° 79, 80, 82.

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