Mille ans à REUILLY

XIXème siècle

mairie

Quand la musique hausse le ton

Le 14 octobre 1883, Olivier Vinçon-Bordeaux fut élu maire de Reuilly, par 11 voix sur 18. Les années 1880 avaient vu la montée du républicanisme intransigeant opposé aux royalistes modérés. C’était l’époque des persécutions contre les Congrégations.
En 1881, sous l’administration du maire A. Delaroche, une musique municipale avait été créée et un artisan local, Philippe Lacord, en avait reçu la direction. Le 13 août 1882, les Conseillers approuvaient cette délibération : 

Le Conseil, considérant que la musique municipale, quoique fondée depuis à peine un an, a déjà donné de bons résultats et qu’il est bon d’encourager les études musicales, vote en faveur de ladite musique et pour faire face aux achats une somme de 250 francs.

Les instruments achetés devaient rester propriété de la commune et un état en serait dressé.
Certains signes laissaient penser qu’une partie de la population était très opposée au nouveau maire, suite à des antécédents dont nous avons vu des exemples précédemment. Olivier Vinçon avait-il des préventions contre les musiciens nommés par le maire Delaroche ? Toujours est-il que quatre jours après son élection ; mais laissons-le s’exprimer devant son Conseil :

M. le Maire expose que le 18 octobre il a écrit au chef de la musique municipale pour lui rappeler les deux délibérations des 13 août 1882 et 23 mai 1883 portant vote de fonds pour l’achat d’instruments. Le Maire demande un récolement des objets acquis et en même temps si la nouvelle municipalité pouvait compter sur le concours de ladite musique municipale.

Philippe Lacord, dirigeant d’une entreprise de plâtrerie, était mon arrière-grand-père.* Venant de Saint-Florent, il était installé à Reuilly avec sa famille depuis un certain nombre d’années.

*Philippe Lacord possédait de nombreux disques Pathé comprenant musique classique, airs d’opéra, danses des années 1900, ainsi que les gros dictionnaires Larousse où mon grand-père continua toute sa vie de s’instruire. Sur le vieux phonographe, j’écoutais notamment les quatre mouvements du quadrille des Lanciers, pour leur musique entraînante.

Il avait, d’après les souvenirs familiaux, une certaine autorité et n’était sans doute pas d’un naturel à se laisser faire. Or, il advint qu’ayant effectué des travaux pour la commune, il avait fourni une facture pour règlement. De l’incident qui suivit, nous n’avons que la version du maire, par la délibération du 4 novembre 1883 :

Ma lettre, ajoute M. le Maire, est restée sans réponse. J’ai dû écrire à nouveau le 30 octobre. Ce même jour, à midi, le secrétaire de mairie me présentait un mandat à signer pour ledit Lacord, chef de la musique municipale, pour des travaux faits pour la commune. Je fis remarquer au secrétaire qu’ayant besoin de m’entendre avec le demandeur, je tenais que Lacord vint lui-même présenter son mandat à la mairie … A 2 heures du soir, je descendais de la nouvelle école en compagnie de M. Létang architecte et de mes deux adjoints lorsqu’en face de la mairie, le susdit Lacord venant à ma rencontre me demanda d’un ton furieux et insolent pourquoi je ne voulais pas lui signer son mandat.» Invité à entrer à la mairie, P. Lacord aurait alors exprimé sa colère, devant un maire doux comme un agneau. On a le droit de le croire… « En présence de ce fait, et pour faire respecter l’autorité, je crus de mon devoir de révoquer le susdit Lacord de ses fonctions de chef de musique. Vous connaissez le reste, Messieurs, pour jeter un défi à la face de l’autorité locale, la musique était immédiatement convoquée et prenait la résolution de sortir le 1er novembre. Je regrette vivement ce qui s’est passé,… mais obligé de maintenir mon autorité, j’ai cru devoir ordonner au garde-champêtre d’arrêter la musique municipale si elle jouait dans la rue et de dresser procès-verbal au directeur.

La division des Reuillois prit un tour plus aigu. Le maire et ses adjoints proclamaient que tout cela était un coup monté par d’anciens conseillers dans un but électoral. De plus, ils avaient à se plaindre du Sous-Préfet : celui-ci avait promis verbalement qu’il ne signerait jamais rien au profit de la société de musique. Cependant, il en avait approuvé les statuts, et surtout, les musiciens pouvaient arborer une dépêche du Sous-Préfet les autorisant à faire danser toute la nuit dans un établissement local, au mépris des arrêtés municipaux.

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Philippe Lacord sur le grand pont
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Il fallait bien sortir de cette situation et les musiciens en étaient conscients. Aussi envoyèrent-ils un émissaire à la mairie le 2 décembre. Ils proposaient de « restituer les 450 francs reçus en subvention et, au cas où le Conseil n’accèderait pas à ce désir, offraient de restituer tous les instruments payés chez M. Gautrot avec cette somme et, au cas où les instruments et autres objets payés par les deniers de la commune ne représenteraient pas la valeur de 450 francs, ils offraient l’indemnité qui pourrait être demandée. » Il était difficile d’être plus conciliant, mais rien n’aurait pu satisfaire M. Vinçon et ses partisans. Le premier adjoint répliqua que l’offre de M. Buret ne saurait être acceptée : « Il n’y a pas lieu de transiger, il nous faut les pièces justificatives, plus de paroles, il faut en finir. Le Conseil, considérant le défi jeté par la musique de Reuilly autorise le maire à user de tous les moyens légaux. »

Les trois années de mandat d’O. Vinçon ne furent pas « un long fleuve tranquille » : il y eut les procès intentés par la Municipalité, les tracasseries à l’encontre du curé Alexis Verneuil et des sœurs qui s’occupaient des malades, l’interdiction des processions, la création d’un « bataillon scolaire ». A côté des affaires courantes gérées normalement, la Presse de l’époque était pourvue en anecdotes, en incidents plus ou moins violents : réprimandes aux instituteurs Wolf et Négrier pour s’être associés à une manifestation interdite par la mairie, accusation de faux faite par le maire contre le notaire Van Crayelynghe qui se révéla infondée, bagarre générale devant la boutique du cordonnier Ferragu, avertissement au maire pour insulte écrite au Procureur de la République. En juin 1885, il y eut l’affaire des mandats de paiement qui se conclut au tribunal avec condamnation pour le maire à trois mois de prison pour escroquerie en première instance et acquittement en appel. Tout cela ne rendait pas l’atmosphère très sereine pour sûr.
Cela se termina le 6 juin 1886, par la délibération suivante :

En vertu d’un décret rendu par M. le Président de la République en date du 30 mai dernier, M. Vinçon, maire de Reuilly, est révoqué de ses fonctions. Par sa lettre du 3 juin, M. le Sous-Préfet prie le Conseil de vouloir bien désigner un membre de cette assemblée pour remplir la fonction de maire. » Les conseillers fidèles à M. Vinçon résistaient, ils ne voulaient pas de son départ. Mais celui-ci leur tint ce petit discours : « Mes chers concitoyens, la loi est formelle, je vous remercie de votre nouveau témoignage. Je vous engage à choisir à cette fonction notre sympathique ami Avon. 

M. Etienne Feuillet-Avon fut élu maire de Reuilly. Ses adjoints étaient MM. Gouard-Mouchet et François Bonnet.
Aux élections du 15 mai 1892, M. Alfred Martin fut élu maire. Ses adjoints étaient Jean-Baptiste Clément et Jules Paty.

Faut-il démolir l’église ?

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A partir de 1881, l’on prit conscience que le bas-côté nord de l’église de Reuilly (surnommé église de Cerbois) était devenu dangereux et qu’il compromettait la sécurité : « les murs surplombent de 25 cm en dehors par rapport à la base, les lézardes grandissent malgré les gros contreforts, le lattis est craquelé et inondé ». Le Conseil municipal fit passer par le Préfet une injonction au Conseil de Fabrique de la paroisse d’avoir à fermer par un mur les deux arcades ouvertes entre la nef et le bas-côté, par ailleurs assez incommode car il ne permettait guère de voir le prêtre à l’autel, puis de procéder à sa démolition. L’architecte Dauvergne confirma la nécessité de ces travaux pour lesquels une adjudication fut lancée.

L’on s’avisa alors que l’église allait être réduite d’un tiers alors qu’elle était déjà insuffisante. Devant les protestations indignées de la population, le Conseil de Fabrique fit traîner les choses en longueur, allant jusqu’à utiliser la somme votée pour des travaux au presbytère, ce qui lui sera reproché.
D’ailleurs, cette année 1881 fut celle de tous les dangers pour l’église, car l’architecte Dauvergne disait bien d’autres choses dans son rapport. Constatant les nombreux endroits qui avaient besoin d’une réfection, il écrivait ceci : « Dans ces conditions, l’on doit raisonnablement conclure à la reconstruction totale plutôt qu’à la réparation de cet édifice ». Comme la question de l’insuffisance de places pour les fidèles était clairement posée, il avait envisagé que la nouvelle église pourrait s’étendre de 4 mètres au chevet, de 8 mètres au sud, de 10 mètres à l’ouest, de 4 mètres au nord.
Si le rapport causa quelque émoi, au fond, personne n’avait envie d’en arriver à cette extrémité. On fit appel à un autre architecte, M. Létang , qui visita les lieux le 22 décembre 1881. Celui-ci conclut tout au contraire : « Nous dirons que la restauration de l’église de Reuilly est possible, et qu’à notre avis, elle pourrait subsister encore longtemps, grâce à des réparations bien entendues et soigneusement exécutées. »
Le bas-côté nord était toujours debout. En novembre 1884, le maire O. Vinçon, cette fois d’accord avec l’ancien Conseil municipal, renouvela la protestation contre sa démolition, invoquant le grand nombre d’habitants (2700) et le manque de places. Peut-être aussi redoutait-il les dépenses à venir pour l’église, son curé et ceux qu’il nommait ses « partisans ». Mais dans le même temps, le Préfet avait alerté l’Archevêque de Bourges, qui réagit auprès du Curé. Il n’y avait plus moyen de reculer et la démolition fut exécutée.

La vigne et le phylloxéra

Au cours du XIXème siècle, le vignoble de Reuilly et des environs avait connu une remarquable expansion, en raison d’un plus grand nombre de vignerons et surtout de l’agrandissement des surfaces utilisées. Pourtant, depuis 1864, un nouveau danger grandissait venu des Etats-Unis : le phylloxéra. Au 13 octobre 1879, le maire de Reuilly, A. Delaroche, se montrait sceptique. Après tout, jusque-là tout allait bien. Mais bientôt, en 1882, Déols, Neuvy-Pailloux, Issoudun sont atteints par l’insecte ravageur. Et maintenant Paudy. A Reuilly, on espère encore que ce ne sera pas aussi grave. Déjà on savait que le salut pouvait venir des plants américains, seuls capables de résister.
Le 20 mai 1883 arriva à Reuilly une lettre du Sous-Préfet disant « qu’après avoir constaté l’existence du Phylloxéra sur divers points de l’arrondissement et notamment dans les deux cantons d’Issoudun, le Comité d’étude et de vigilance a cru devoir adresser un pressant appel à tous les vignerons et les engager à se constituer en syndicat. »

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Le 7 septembre 1884, c’est devenu réalité : une tache de phylloxéra vient d’être découverte dans un clos au centre de la commune. Le Conseil donne un avis favorable à l’importation de cépages américains et demande qu’un membre du Comité de surveillance vienne à Reuilly diriger le traitement.
En 1889, les trois quarts du vignoble de Reuilly étaient touchés. Des écoles de greffage furent créées. D’autres moyens de traitement furent imaginés, avec peu d’efficacité semble-t-il. Malgré tout ces efforts, la surface du vignoble reuillois fut beaucoup diminuée.
En 1878 disparut la coutume de faire fixer le ban des vendanges par la Municipalité. On dénombrait à cette époque 164 vignerons.

Les châteaux et leurs propriétaires

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Après Camille Hémery, avocat et maire de Lazenay en 1845, le château de La Ferté était revenu à M. Amédée Hémery de Lazenay dont la fille Louise épousa le marquis Henri de Geoffre de Chabrignac le 4 avril 1859. Celui-ci était Intendant général des Armées, commandeur de la Légion d’Honneur. Il acquit la chambre à coucher de l’impératrice Joséphine. Le marquis et Louise avaient une fille, Marie Henriette, qui se maria avec le comte Alfred d’Escherny en 1887.
Le château de l’Ormeteau, vendu à la Révolution comme bien national à Pierre Cartier puis à Rémi Tourangin, fut acquis ensuite par M. Martinet, ancien juge de paix à Issoudun. Une modification intervint à cette époque : le colombier, trop proche du château, fut démoli et reconstruit plus loin.
Au XIXème siècle, les propriétaires de Château-Gaillard furent Robert de Sainthorent, son fils François-Etienne, puis Cyr Jacques de la Châtre, sous-préfet d’Issoudun et son épouse Jeanne Crublier de Miran. La propriété fut vendue en 1871 à Gustave Amédée Hémery, résidant au château de Lazenay. Celui-ci fit construire le mur d’enceinte de la propriété. En 1888, Anne Noémie Hémery comtesse de Frédy en devint propriétaire.

Reuilly et ses environs au fil des jours

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Dans la deuxième moitié du siècle, une partie de la population, surtout féminine, était spécialisée dans la lingerie : lingères, couturières, brodeuses. Signalons la fabrique Daudu, route d’Issoudun. C’est aussi l’époque de la création de la manufacture Willaey, Barre et Chartier, installée d’abord à Maison-Neuve de l’autre côté de l’Arnon. En 1886, 201 personnes travaillent dans la lingerie, renommées pour la qualité de leurs ouvrages.
Les gendarmes étaient installés dans des bâtiments loués à des particuliers, mais cela entraînait des difficultés. En 1875, on commença la construction d’une gendarmerie.

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La Gendarmerie de 1875

En 1883, les conseillers appuient une pétition des négociants et commerçants en faveur de l’obtention d’un bureau télégraphique.
Dans les années 1880, le cimetière, situé à l’endroit du parc de stationnement de la salle des fêtes, est transféré à son emplacement actuel.
En 1884, on décide de poser des plaques pour indiquer le nom des rues.
En 1886, on atteint le maximum de population pour Reuilly : 2776 habitants.
Le 20 septembre1893 : naissance du peintre Paul Surtel à Reuilly où ses parents, Marcel Surtel et son épouse née Touzelet, tiennent le Grand Café. La famille est originaire de Diou.
L’éclairage public est remplacé par de nouvelles lampes mieux conçues. Un prestataire a la charge de fournir les lampes et de les entretenir.

1850 : Zulma Carraud, connue comme ayant été l’amie de Balzac, quitte Frapesle et s’installe à Nohant-en-Gracay où son souvenir demeure.
Dans les années 1850, l’église de Paudy vit son clocher reconstruit et couvert en ardoises, augmenté d’une croix en fer avec coq en cuivre doré. La pointe du pignon de la façade fut également refaite. En 1862, la sacristie fut reconstruite.

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L’église de Paudy
L’église de Luçay-le-Libre
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Depuis le XVIIIème siècle, l’église de Luçay-le-Libre n’avait cessé de se détériorer. Un devis fut établi en 1863, comprenant la réfection de la charpente et de la couverture, l’élévation de murs en remplacement de ceux en mauvais état, des fenêtres neuves, la pose d’un dallage en ciment. L’église étant trop petite pour accueillir tous les fidèles, le curé, M. Etienne Gé, préconisait la construction de deux chapelles. L’Administration faisant traîner les choses en longueur et les finances étant à peine suffisantes, il fallut attendre 1888 pour commencer à concrétiser le projet. C’est le curé qui prit l’initiative en donnant une partie de la somme. Le 22 décembre 1889 eut lieu la réception définitive des travaux, sous la présidence de M. Léon Quantin, adjoint.

Extraits du bulletin des Amis de Reuilly N° 145 (novembre 2016) par Jean-François Reille.

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